Depuis quelques années, La Musardine a entrepris la réédition de la saga Blanche Épiphanie dans de superbes intégrales cartonnées. L’éditeur Christian Marmonnier a pris la plume pour l’occasion, augmentant ces volumes de dossiers fouillés sur « l’aventure » de Pichard & Lob. En deux parties richement illustrées, BD-Adultes vous propose aujourd’hui de découvrir – ou redécouvrir – ces textes sur son blog.
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Dans ces années 1970 si somptueuses pour le développement de la bande dessinée dite adulte, il semble que les créateurs de notre héroïne au cœur pur aient été tentés de vouloir lui faire conquérir l’Amérique. Juste retour des choses. Après tout, Blanche Épiphanie pourrait avoir un cousinage pas si éloigné avec Little Orphan Annie, de Harold Gray, et Little Annie Fanny, de Harvey Kurtzman et Will Elder. Dans les tribulations que nous publions ici, la pauvre enfant frêle trottine à pas menus et apeurés dans les sinistres ruelles de New York. Cependant, sa destinée éditoriale dans ces années-là laisse présager des lendemains qui chantent. Est-ce le cas ? Et qu’arrive-t-il d’ailleurs à notre fragile orpheline ?
À la fin de notre première intégrale, nous avions laissé Blanche et Défendar dans la sournoise écume d’un océan bordant les rivages africains. Quand soudain un voilier apparaissait. Comme à l’accoutumée, un cartouche noir nous interpellait pour prévenir de probables nouvelles péripéties. « Nul doute que ce fringuant et luxueux navire de plaisance va recueillir à son bord notre héroïne et son défenseur, lisait-on. Mais pour quelle destination ? Et en quel équipage ? C’est ce qu’il nous tarde déjà de connaître !… »
Avec La Déesse blanche, qui se conclut le 3 mars 1976 dans les pages du quotidien France-Soir, le récit de Jacques Lob mis en images par Georges Pichard trouve enfin sa vitesse de croisière. Il faut dire que le support de presse qui abrite la série depuis octobre 1975 est à la mesure des ressorts feuilletonesques que les auteurs ont toujours tenu à développer. Ces derniers sont enthousiastes pour entraîner Blanche vers des contrées inconnues, ils sont encore plus enclins à le faire dans le cadre d’un quotidien national, cela se ressent pleinement à la lecture. Il y a de la fougue dans les textes et dans la mise en scène. Et le fil narratif de la première histoire de ce volume, La Croisière infernale, prend le large au sens propre comme au sens figuré. La croisière que Lob et Pichard offrent à leur martyre préférée ne peut être de tout repos et c’est bien normal, puisqu’il en est ainsi de son Destin et des fourberies qu’il lui occasionne. L’homme qui vient de l’accueillir à bord du voilier n’est autre que le banquier Adolphus, le « persécuteur attitré de l’orpheline, l’artisan de son malheur ». À ses côtés se tient aussi Morena, « sa maîtresse dont l’insolente beauté reflète une âme perverse et malfaisante ».
En bon pastiche de roman feuilleton, cette troisième aventure possède les mêmes stratagèmes narratifs et dresse face à l’ingénuité de l’héroïne les mêmes figures de vilains cupides et libidineux, voire d’autres encore, qui s’annoncent essentiels pour la trame des prochains épisodes. De chausse-trapes en rebondissements incessants, l’action se déroule de façon exceptionnelle dans le huis clos du navire. Et c’est sur le mode du vaudeville, avec des portes qui se ferment à clé ou se font enfoncer, des personnages qui disparaissent pour réapparaître plus tard, des retournements de situations cocasses, dignes d’une pièce de boulevard, que Blanche manque de perdre sa virginité.

À l’occasion d’un article intitulé « Lob et Pichard sont les Alexandre Dumas de la bande dessinée » (France Soir, 4 avril 1976), les auteurs concernés se prêtent à un joyeux photomontage. Le commentaire est le suivant : « Jacques Lob (à droite), imagine. Georges Pichard (au centre) dessine. Une seule victime : la pauvre Blanche. »
Mais l’élan des auteurs dont nous parlions à propos de cette aventure ne se situe pas forcément dans la volonté farouche de protéger la vertu de leur pucelle craintive, mais plutôt dans l’art consommé des révélations qu’ils ont à nous faire. La Croisière infernale est un épisode phare à plus d’un égard car l’ascendance familiale de Blanche est enfin dévoilée. C’est même un tonitruant coup de théâtre, au moment où le voilier est secoué comme un bouchon par des vagues tumultueuses, quand le capitaine Hector Boussec communique à l’assemblée présente dans la cabine de Blanche qu’il n’est autre que son père. S’en suit une description pleurnicharde de son acte de naissance : une mère morte en couche, une grande tante devenue folle, un amour perdu, une désertion, l’assistance publique… mais l’on y apprend aussi que Blanche est née en début d’année 1884, qu’elle se nomme « d’Épiphanie » en l’honneur de la « sainte fête » qui marque le jour où elle a été recueillie, le 4 janvier de cette même année. Dernière révélation appréciable : comme Blanche avoue sur ce bateau avoir 18 ans, il est facile de conclure que ses pérégrinations africaines ont duré presqu’une année et que l’action des troisième et quatrième aventures de sa vie trépidante se déroule en l’an 1902. CQFD.
La Croisière infernale est publié dans France-Soir du 29 juin au 15 septembre 1976. Quatre mois se sont passés entre ce troisième épisode et le précédent (La Déesse blanche), mais le quotidien n’arrête pas pour autant de parler de l’héroïne et de ses auteurs. Avouons qu’en cette année 1976, une certaine effervescence se forme autour de ses tribulations. Vania Beauvais, la responsable du secteur bandes dessinée de France-Soir est à l’origine de la nouvelle publication du premier album de la série et de sa suite à partir de La Déesse blanche. Et à la relecture des différents articles qui ponctuent ces quatre mois de battement, autant dire que la série est choyée par France-Soir. Ainsi, le 10 mars peut-on découvrir un articulet en une du journal certifiant que « Blanche Épiphanie va revenir avant les vacances » et que Lob et Pichard « écrivent et dessinent actuellement la suite de ses aventures rocambolesques, admirables et édifiantes ». En page intérieure de la même édition, la responsable publie des extraits de courriers que la série n’a pas manqué de susciter auprès des lecteurs. Certains sont favorables. D’autres, plus nombreux, et souvent plus virulents, ne le sont pas du tout. Après avoir retrouvé une poignée de ces courriers, nous vous en offrons nous aussi un concentré.
Albert L., de Bagnolet, le 20 novembre 1975 : « La décence voudrait que de telles bandes ne soient jamais imprimées, il y a bien d’autres sujets à développer que de telles insanités. » Jean A. L., de Strasbourg, le 17 janvier 1976 : « Ce serait vraiment prendre les Alsaciens pour des imbéciles que de croire qu’ils ne seraient pas capables de faire un rapprochement entre le Docteur Albert Schwartzkopf représenté, presque traits pour traits dans cette BD, comme une odieuse caricature du vénérable Docteur Albert Schweitzer, célébrité tout autant mondiale que régionale. »

Une réaction très dure de la part d’un lecteur de France-Soir, traitant Lob et Pichard de crétins. Et émettant de grands doutes sur la capacité pédagogique de leur bande dessinée…
Mesdames L. et V., de Lille, le 20 février 1976 : « Nous, quotidiennement, lorsque nous ouvrons notre France-Soir, un grand sourire éclaire note visage ! Et ce, grâce à Blanche Épiphanie… demoiselle si bonne et si jolie, ingénument peu habillée, dont les aventures terrifiantes ne nous font pas pleurer ! »
D’autres courriers arrivent encore à la rédaction après la parution de ces extraits et réagissent aux verbes agressifs des lecteurs. Jeaninne D., de Saint-Rémy-lès-Chevreuse prend donc la plume pour écrire une lettre datée du 10 mars : « Mon mari et moi nous précipitons chaque soir sur votre journal pour lire cette excellente bande dessinée pleine de drôlerie. Les dessins sont parfaits : le corps de Blanche est digne d’une sculpture et je pense que le dessinateur a fait les Beaux-Arts. De plus, chaque geste des personnages, chaque détail de l’environnement, est minutieusement étudié pour faire rire. Ainsi l’épingle à nourrice accrochée à l’arrière du pagne de peau de bête de Blanche, et l’expression des yeux des héros, étonnement et candeur pour Blanche, jalousie parfois pour Défendar. Je m’étonne que certains lecteurs pudibonds aient été offusqués par les poses lascives de Blanche, elles sont au goût de notre époque et sans vulgarité, même lorsque l’héroïne lave son pagne, le devant de son corps caché par un chiffon et les fesses à l’air… Nous en rions encore !… »
Toutes ces réactions font évidemment sourire les créateurs de Blanche qui en ont vu d’autres tout au long de leur métier. À cette époque, Lob a 43 ans, Pichard en a 56. Leur métier d’ailleurs, le quotidien l’évoque le 4 avril 1976, dans un article intitulé « Lob et Pichard sont les Alexandre Dumas de la bande dessinée », indiquant en sous-titre que, sans téléphone, la série n’existerait tout bêtement pas. Le scénariste habite alors à Château-Thierry et le dessinateur en banlieue parisienne, ils se croisent parfois sur Paris mais l’essentiel de leur collaboration pour l’aventure à venir de Blanche se fait par téléphone. Dans la demi page qui leur est consacrée, le journaliste Jean-Claude Lamy explique en outre leur méthode de travail : « Suivant une technique maintenant éprouvée, les coauteurs se communiquent chaque jour leurs points de vue au sujet de la pauvre enfant. Très organisé, Jacques Lob inscrit sur des feuilles d’une part les indications en ce qui concerne le dessin, d’autre part le texte proprement dit, dont les dialogues qui entreront dans des ballons. Pichard, à l’autre bout du fil, imagine aussitôt les situations, étant totalement responsable de la mise en scène de l’histoire. »

Pour lancer l’épisode Blanche à New York, l’héroïne fait la Une du numéro 40 de Métal Hurlant, d’avril 1979. P, remarquera le décolleté aérien de la « blonde enfant ».
Détaillons toutefois le processus, moins spontané qu’il est dit. Jacques Lob, après une discussion avec Georges Pichard, va en effet taper à la machine tous les textes à incorporer dans une planche, de la première à la dernière image, et en numérotant chaque image. Les dialogues et récitatifs sont tapés en caractère noir tandis que les autres (et nombreuses) indications sont entre parenthèses et tapées en rouge. Cette méthode nette et précise ressemble en bien des points à celle d’un autre grand scénariste français, René Goscinny. De son côté, Pichard est néanmoins obligé d’attendre le tapuscrit qui lui arrivera par courrier. La chose est par conséquent un peu plus lente, mais le journaliste a sans doute voulu traduire l’exaltation qui s’empare des auteurs lorsqu’ils sont sur la brèche d’un nouvel opus de leur série fétiche.
Plus loin dans le même article, Lob le mentionne du reste fort bien. « Blanche est une des rares bandes dessinées qui me fasse rigoler quand je l’imagine. C’est tellement outré que je me marre tout seul devant ma machine à écrire. Je pense constamment à Pichard qui me met en joie avec ses personnages de vieux militaires et de fonctionnaires paperassiers. Quelquefois, je sais qu’il va s’emmerder parce que je veux un truc impossible, mais ça l’arrange toujours. L’inspiration me vient surtout l’après-midi. Quand ça marche bien, j’aurais tendance à en faire trop, ce qui m’oblige à supprimer des images comme pour un film au montage. »
Mais l’effervescence que nous suggérions plus haut ne se situe pas dans la réaction du lectorat de France-Soir ou dans la bonne entente entre Lob et Pichard. Non. Blanche Épiphanie flirte dans cette année 1976 avec une courte période de prospérité. On chante ses turpitudes, on la voit à la télévision, on veut produire un feuilleton radiophonique et on rêve même de la dévêtir au grand écran. C’est dire. Mais commençons par le chanteur Henri Salvador qui a sorti un 45 tours sur cette « pauvre enfant » à « demi nue » et aux « yeux pleins de pleurs ». Les paroles de la chanson ont été écrites deux ans auparavant par l’un des paroliers de Salvador, Bernard Michel, grand fan de la série. Elles relatent assez précisément les événements qui se succèdent lors de la première aventure de Blanche, parue de 1967 à 1969 dans les pages de V-Magazine. Et se terminent ainsi : « Si vous voulez savoir / Ce qui leur arrivera plus tard / Vous n’aurez qu’à lire les journaux du soir… »
Le lundi 10 mai 1976, à l’occasion d’un mini-show Salvadorissimo, c’est travesti en Blanche que le chanteur apparaît dans l’émission Midi Première, animée par l’ineffable Danièle Gilbert. Salvador est un habitué de ce genre de spectacles festifs et décomplexés. Les jours qui précédent, France-Soir annonce par deux fois son intervention télévisée, notamment lors d’un très long article du 9 mai, dans lequel Salvador déclare au sujet de Blanche Épiphanie : « J’adore ces aventures. C’est à la fois émouvant, rétro, charmant et rigolo. J’aimerais en faire un feuilleton. Miou-Miou serait Blanche et moi, je serai Défendar. » Surprise. Un feuilleton ? Mais l’idée n’est pas née de la dernière pluie. Lob et Salvador se sont déjà rencontrés plusieurs fois et en mars France-Soir, toujours le même quotidien, avait lancé un appel par voie de presse. Intitulé avec malice « Blanche Épiphanie cherche sa voix », l’entrefilet stipulait : « Notre héroïne de papier cherche sa voix. Celle d’une jeune comédienne possédant un registre qui ferait songer à Arletty jeune ou Marlène Jobert en vue d’un enregistrement sur cassette. Téléphonez au 954-66-83 en fin d’après-midi. »

Éditions étrangères de Blanche à New York. En Espagne, chez Distrinovel, Blanche se traduit Virginia, alors qu’en Allemagne, chez Volksverlag, elle emprunte le prénom de Brigitte, allez savoir pourquoi…
Malheureusement, le projet reste à l’état de projet. Seule subsiste une cassette avec un essai que nous n’avons pas entendu. Un autre rêve fou est également resté à l’état de projet. Celui du cinéma. Dans une réponse donnée au journaliste Jean-Claude Lamy (France-Soir du 4 avril 1976), Jacques Lob déclare que sa méthode de travail ressemble à celle du cinéma. « Je ne désespère pas, un jour, de tourner les aventures de Blanche, ajoute-t-il. J’ai déjà une petite expérience avec la réalisation de plusieurs courts métrages. » Là encore, nous savons que ce doux espoir n’a pu devenir réalité. Que Paulette a percé à l’écran la décennie suivante, mais pas Blanche…

Poster offert par France-Soir le 26 juin 1976, trois jours avant le début de publication de La Croisière infernale dans les pages du quotidien.
Puisque nous parlons de Paulette, arrêtons-nous un bref instant sur les carrières respectives de Lob et Pichard, ainsi que sur la progression de leur bibliographie dans ce début des années 1970. La signature de Lob est aux sommaires de Pilote, de L’Écho des Savanes et de Métal Hurlant en qualité de scénariste et souvent de dessinateur, car l’homme dessine. Il y publie notamment des histoires portées sur le fantastique, la science-fiction et l’insolite. Pichard est tout aussi prolixe dans ces mêmes années. Depuis 1970, il dessine Paulette pour les éditions du Square qui connaît sa sixième aventure en 1976 (Le Cirque des femmes). Imaginée par Georges Wolinski, l’héroïne est aussi pulpeuse que Blanche et le récit en constitue une forme d’avatar branché en permanence avec les courants de pensée sociopolitiques du moment.
Surtout, Pichard passe un cap primordial dans sa carrière. Amateur, collectionneur de littérature libertine, il prépare un ouvrage sadien très hard qui sortira l’année suivante aux éditions Glénat. Quelques illustrations de Marie-Gabrielle de Saint-Eutrope ont filtré dans la presse spécialisée de bande dessinée. Le lecteur avisé peut ainsi interpréter la séquence où Blanche est enfermée à fond de cale, ligotée dans quinze positions bondage, comme un clin d’oeil au tournant de la carrière de Pichard. Et s’amuser plus encore, quand le perfide scénariste fait lire à Blanche, notre « humble fillette », et ce par l’intermédiaire de Morena, quelques pages saisies au vol d’un vieil exemplaire de Justine ou les Malheurs de la Vertu, du célèbre marquis de Sade. « Friponne, ta bouche m’en répond, ta langue appelle la mienne, elle l’invite à la volupté… » Juste ciel, quel étonnement et quelle perversion !
En septembre 1976 pourtant, après l’effervescence de courte durée que nous vous avons patiemment décrite, La Croisième infernale, troisième tribulation de Blanche, clôt une première période de parution dans les colonnes de France-Soir. Nous pensions un temps que l’orientation hard du dessinateur qui s’esquissait et devenait de plus en plus visible avait pu jouer en défaveur de l’héroïne si souvent entravée. Mais à bien observer, nous penchons plutôt pour une conjonction d’événements défavorables qui, comme on le perçoit dans les aventures de Blanche, sont la marque d’un destin bien capricieux. La chanson de Salvador a été un flop commercial. Le projet de feuilleton, que devait produire le chanteur, a été abandonné. Le coup de grâce, si l’on peut dire, provient surtout du bouleversement qui a lieu au siège du quotidien pendant l’été 1976. En juillet, Paul Winkler, patron d’Edimonde, achète France-Soir à Hachette. Le mois suivant, il signe un accord avec Robert Hersant permettant à ce dernier de devenir propriétaire de 50 % des parts de la société Presse Alliance qui contrôle le journal. Robert Salmon quitte la rédaction. En bref, c’est plutôt cette effervescence-ci qui précipite Blanche hors du quotidien et qui la fait débarquer à Métal Hurlant, deux ans et demi plus tard.

Planche 64 de La Croisière infernale, correspondant à la planche 3 de Blanche à New York (page 69), inédite. Il est amusant de comparer cette version, très certainement dessinée en 1976, avec la planche définitive publiée dans Metal Hurlant. Les textes ont été légèrement liftés, le découpage est radicalement différent, le dessin des personnages plus réaliste et Morena laisse poindre ses seins à la hauteur des yeux du lecteur. (© Collection particulière, courtesy Musée Jenisch, Vevey – Centre national du dessin)
Lob connaît bien ce périodique, Pichard un peu moins. L’un des cofondateurs de Métal Hurlant et des Humanoïdes Associés n’est autre que Jean-Pierre Dionnet, celui-là même qui signe la préface du premier tome de Blanche Épiphanie, en 1972. Le monde est décidément très petit. La maison d’édition sort l’album de La Croisière infernale en février 1977 et publie dans Métal Hurlant les quatrièmes péripéties de Blanche d’avril 1979 à mars 1980.
Ce nouveau chapitre expédie « notre chère petite héroïne » et « son fidèle protecteur » dans la mégapole américaine de New York. Alors qu’elle est encore dans le paquebot à vapeur qui la transporte, Blanche découvre au loin la statue de la Liberté et déclare dans une pose de martyre chrétienne, les mains jointes et une guenille la couvrant de la tête aux pieds : « Mon dieu ! Comme elle est grande ! Ce doit être la statue d’une Sainte, assurément ! » Le ton est donné. Blanche retrouve ses bonnes vieilles habitudes et dans cet épisode, on la voit effectivement errer dans des ruelles malfamées, poursuivie par les nouveaux hommes de main d’Adolphus, Grabu et Lebridel, convoitée par un Mandrake italien, le dénommé Giuseppe Balzamore et même, lors d’une séquence mémorable, nuitamment harcelée par une horde de freaks, culs-de-jatte et autres damnés du trottoir.
La « petite fleur de France » manque se faire déflorer à chaque coin de rue et à chaque calèche empruntée. Et une nouvelle fois, elle parvient à préserver ce que tous les hommes, tous sauf Défendar bien entendu, veulent lui ravir. Blanche est décidemment elle aussi une sainte.
Une sainte nitouche que le mensuel qui l’accueille n’apprécie pas plus que cela. Aucune ligne rédactionnelle ne vient présenter ou même se moquer gentiment de l’héroïne. Pas de commentaire de Dionnet, ni de Philippe Manoeuvre, le rédacteur en chef adjoint, ni même de Joe Staline, pseudonyme collectif qui sert à couvrir bien des tâches ingrates. En vérité, Blanche Épiphanie est moins bien lotie dans les pages de Métal Hurlant que celles de France-Soir, c’est évident. Métal est un melting-pot culturel et la présence de la série de Lob et Pichard passe quasi inaperçue.
Blanche à New York est néanmoins édité en album en mars 1980. Grâce aux Humanoïdes Associés, des versions allemandes et espagnoles des deux dernières aventures voient le jour. Et puis, comme si la destinée éditoriale n’était pas moins chaotique que ses épreuves romanesques, Blanche Épiphanie fait une pause. Encore. Maintenant, il faudra attendre mai 1983 pour la voir ressurgir, et mars 1984 pour connaître la suite américaine de ses tribulations.
Christian Marmonnier
Blanche Épiphanie chez BD-Adultes
Je recherche Blanche Epiphanie
l’integrale tome 4-La Bête des volcans, suivi de l’Aéronef électrique(inédits en album)
Merci