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Sexy Symphonies ou Silly Symphonies ? Solano Lopez par Christian Marmonnier

Vous aussi, l’univers sulfureux de Solano Lopez vous fascine ? Alors redécouvrez avec nous la postface de l’album Sexy Symphonies, chef d’œuvre d’érotisme mythologique, signée Christian Marmonnier. L’éditeur y revient sur le parcours et les influences de l’auteur, grand nom de l’âge d’or Kiss Comix.

 

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Après une éphémère incursion en 1991 dans El Vibora(1), le mensuel libéré des éditions La Cúpula, cette suite de récits courts fait la joie des lecteurs de Kiss Comix, en Espagne donc, mais aussi en France, dès la fin de l’année 1994.

 

9782362343063-18À l’époque de leur publication, Francisco Solano López, qui avait fui la dictature argentine, a 66 ans. Il réside encore en Espagne et cela fait déjà quelques années qu’il s’intéresse activement à l’érotisme. Avec son comparse Ricardo Barreiro, il a publié en 1991 El Instituto (L’Institut), premier volet des aventures de Lilian et Agathe. En 1994, il projette d’ailleurs un deuxième épisode de cette série, encore plus glauque et rocambolesque que le précédent, et mettant en scène une foultitude incongrue de personnages : Sigmund Freud, Winston Churchill, Sherlock Holmes et le docteur Watson, Conan Doyle, Albert Einstein, Robert Louis Stevenson…

 

Dans le même temps qu’il construit avec son scénariste cet épisode se déroulant à Londres pendant les crimes de Jack l’Éventreur(2), Solano López développe en solo les récits courts et muets que nous publions ici, et qui se nomment Silly Symphonies, en hommage à la fameuse série de courts métrages animés produite par les studios Disney dans les années 1930. Pourquoi Silly Symphonies ? Simplement parce qu’à l’instar des dessins animés, chaque Silly Symphony offre à lire sa propre conclusion et que la série fonctionne sans héros récurrent. À vrai dire, un seul lien unit l’ensemble des Silly Symphonies entre elles : c’est l’appel du sexe. Un appel joyeux, festif et partagé, qui fait bon ménage aussi bien avec le voyeurisme, le triolisme qu’avec l’amour libre.

 

À la différence de l’ambiance qui règne dans les aventures de Lilian et Agathe, dont les séquences sont parfois extrêmement violentes, une Silly Symphony se délecte selon le plaisir d’un bonbon acidulé. L’une des premières à être publiée montre un homme pénétrant nuitamment dans la chambre d’une jeune femme. Il tente de la violenter, elle crie. Une seconde femme intervient et ensemble, elles vont épuiser sexuellement le mâle pour s’en débarrasser. En guise de fin, le couple féminin s’embrasse amoureusement et conclut ainsi, avec une insolente pirouette, cette introduction du monde viril dans celui des Silly Symphonies.

 

Guia Silly Symphony (glissé(e)s)

Observatorio privilegiado (Un observatoire privilégié), une Silly Symphony de deux pages publiée dans Kiss Comix, édition espagnole, numéro 68, mai 1997 – et traduit dans La Poudre aux Rêves numéro 44, février 1998.

 

Francisco Solano López a réalisé cette série en deux phases. Neuf premières histoires, muettes, sont publiées dans les versions françaises et espagnoles de Kiss Comix, de 1994 à 1998(3). Cinq autres sont dessinées plus tard, dans le courant de l’année 2000(4).

 

Pour ces dernières, le style est différent, moins détaillé, pour ainsi dire relâché. Nous pensions qu’entre-temps, le dessinateur avait eu quelques soucis de santé mais il semblerait au contraire, d’après les informations communiquées par son éditeur espagnol, qu’il a simplement changé de méthode de travail durant cette époque-là face à la charge de commandes qui lui sont faites.

 

Précisons que Solano López est revenu dans son pays natal, l’Argentine, pour y vivre définitivement, à partir de 1995 et que, durant cette décennie 1990, le sexagénaire est extrêmement sollicité. Outre les éditions ibériques de La Cúpula, Solano López a entamé une fructueuse collaboration avec le marché états-unien, en particulier avec Fantagraphics Books et leur label érotique Eros Comix(5).

 

Depuis 1991, les aventures de Lilian et Agathe y sont publiées avec succès sous le titre The Young Witches (Les Jeunes Sorcières). On peut même penser que c’est à la suite d’une demande, conjuguée ou non de ces deux éditeurs, que Solano López reprend la série des Silly Symphonies.

 

Justement, entre mars 2001 et janvier 2002, six volumes des Silly Symphonies sont édités par Eros Comix sous le titre plus explicite de Sexy Symphonies – et sans doute aussi, pour éviter d’éventuelles querelles judiciaires avec la firme Disney. Dans cette publication américaine, les éditeurs Kim Thompson et Gary Groth ont d’ailleurs choisi de mélanger les différents récits dans un ordre qui ne correspond certainement pas à la chronologie de leur création. Ils ont même dispatché le tout dernier d’entre eux afin de créer une trame scénaristique. Pour être plus clair, ce sont les planches du dernier récit, Reencuentros (Retrouvailles), qui sont diluées au fil des six volumes pour créer une mise en abyme(6) : en résumé, c’est parce que deux jeunes filles s’excitent à la lecture d’un livre intitulé Sexy Symphonies que les récits de Sexy Symphonies sont montrés.

 

Concernant l’évolution graphique que nous évoquions, il faut ajouter que l’auteur fait appel dès son arrivée en Argentine à un assistant : Pablo Maiztegui, alias Pol, né en 1969. Ce jeune assistant aide le dessinateur dans son travail des couleurs et dans l’utilisation de l’informatique jusqu’en 2000, année à partir de laquelle Francisco Solano López abandonne toute colorisation manuelle. Entendons par là que le dessinateur continue ses crayonnés mais que la mise en couleur de ses séries se fait dès lors directement sur informatique. Et c’est le cas, donc, pour les cinq derniers récits de Silly Symphonies.

 

Mais le rôle de Pol ne s’arrête pas là. À la suite de la mort brutale de Ricardo Barreiro, le 12 avril 1999, Pol s’investit dans les scénarios des trois dernières longues aventures de Lilian et Agathe. Il s’investira plus tard encore dans la reprise de L’Éternaute qu’initie Solano López au début des années 2000.

 

Pour en venir à la question qui donne l’intitulé de cette postface, nous avons longtemps hésité mais avons décidé, nous aussi, d’opter pour un titre sans ambiguïté(7). Avec cette édition de Sexy Symphonies, nous vous proposons avant tout de retrouver la pulsion érotique des premiers récits sans parole. Parce qu’ils sont incontestablement plus vigoureux et qu’ils attestent de l’apogée du talent graphique de ce vétéran de la bande dessinée argentine qu’est Francisco Solano López, dessinateur notoire de L’Éternaute, sur des scénarios d’Héctor Oesterheld.

 

Enfin, pour des raisons de pagination, nous avons décidé d’opérer encore d’autres choix. De privilégier la publication des récits muets et de ne pas montrer deux récits dialogués de la seconde période(8). Et nous avons suivi l’exemple des Américains de Fantagraphics, c’est-à-dire que nous avons souhaité utiliser comme eux le tout dernier pour établir une cohérence livresque.

 

Né le 26 octobre 1928, Francisco Solano López est décédé le 12 août 2011. Une bonne part de son œuvre reste encore à découvrir. Notamment dans le domaine de l’érotisme. À suivre…

 

[Christian Marmonnier – Initialement publié dans Sexy Symphonies, Dynamite, 2013]

 

Kiss 62 nov 1996

Couverture de Kiss Comix, édition espagnole, numéro 62, novembre 1996.

 

NOTES

 

1. Le récit Silly Symphony est publié dans le numéro 135 d’El Vibora, d’avril 1991. Il donne le nom à la série qui verra son prolongement dans Kiss Comix, un autre mensuel dédié à l’érotisme dessiné, que les éditions La Cúpula viennent de lancer cette année-là.

 

 

2. L’épisode s’intitule El Prostíbulo del Terror (L’Antre de la Terreur) et est publié d’abord chez Eros Comix dans la série The Young Witches (London Babylon, de novembre 1995 à avril 1996), puis dans Kiss Comix Espagne, de janvier 1996 à avril 1997, et Kiss Comix France, de mars 1996 à septembre 1997.

 

3. Les neuf premiers récits muets sont publiés dans le mensuel espagnol Kiss Comix, du numéro 37, d’octobre 1994, au numéro 76, de janvier 1998 ; puis dans sa version française, du numéro 6, de novembre 1994, au numéro 44 (rebaptisé La Poudre aux Rêves), de février 1998. Dans l’édition espagnole d’origine, ces récits sont publiés dans l’ordre suivant : 1/ Silly Symphony, 2/ La Isla bonita (Belle île), 3/ Servicio intimo (Service intime), 4/ Revelado (Révélation), 5/ Arriba y abajo (Sens dessus dessous), 6/ Observatorio privilegiado (Un observatoire privilégié), 7/ Gravedad cero (En apesanteur), 8/ Krazy, 9/ Encuentro mágico (Magie de la rencontre).

 

4. Les cinq derniers récits sont publiés dans le mensuel espagnol Kiss Comix, du numéro 100, de janvier 2000, au numéro 117, de juin 2001 ; et dans sa version française, désormais titrée La Poudre aux Rêves, du numéro 70, d’avril 2000, au numéro 76, d’octobre 2000. L’ordre de publication est le suivant : 1/ Áfica profunda (Afrique profonde), 2/ Mitología (Mythologique), 3/ Vivan Los Novios 1 (Vive le Marié), 4/ Vivan Los Novios II (Vive la Mariée), 5/ Reencuentros (Retrouvailles).

 

5. L’auteur a effectué plusieurs voyages aux États-Unis pendant lesquels il a rencontré et sympathisé avec ses éditeurs, Ryder Windham (Dark Horse) et Gary Groth (Fantagraphics).

 

6. Et des planches supplémentaires, retravaillées pour l’occasion, sont même ajoutées dans cette édition d’Eros Comix.

 

7. Il faut savoir qu’en Argentine, la série a été éditée plus tardivement et sous un titre encore différent : Sexy Stories, chez Ancares Editora. Un premier volume en 2002, un second en 2005.

 

8. Les deux récits dédiés à des enterrements de vie de jeune fille et de jeune garçon (Vivan Los Novios).


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